BOUVET, C'EST CHAUD


Patrick Bouvet, In situ. Son premier livre. Prose ? poésie ? On ne sait même pas. C'est comme des suites de vers très courts, mais les mots n'ont pas l'épaisseur, le rayonnement poétique : ce sont, au contraire, des fragments de langage pauvre, de la prose de journal passée à la moulinette, éclatée, remixée en un zapping perpétuel. Déraillements, croisements, rotations, contractions, dilatations, piétinements, redéparts, on a rarement vu le langage se faire à ce point mouvement. Que l'auteur soit musicien et plasticien, cela s'entend, se voit. Un montage virtuose, tourbillonnaire, en 110 pages à peine, parvient à décrire le monde, à le saisir à la fois dans son organisation totalisante et sa déglingue, son double mouvement mêlé : concentration, éparpillement. Vision très dure, et qui devrait glacer, toute effusion étant par définition bannie. Pourtant tout cela est non seulement grouillant de vie, mais chaud. À cause des étincelles d'humour jaillissant de ces collisions de langage. Et aussi de la colère sous-jacente. Les rages maîtrisées ne sont pas les moins fortes.

Soulagement. Il existe encore des livres d'avant-garde — si j'ose employer cette expression archaïque ! Et je suis encore capable d'en aimer un !


(Journal infime, 1999)



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(publié dans PAGES D'ÉCRITURE N°3 en novembre 2003)