ANDOUILLE À POIL


Or donc, voilà quelques jours, l'une des figures de proue de la droite française, Jean-François Copé en personne, a encore accru son éclatante célébrité. Brandissant devant les caméras un album illustré, intitulé Tous à poil, il a révélé aux populations médusées que ce livre infâme, où sont dessinés en tenue d'Adam ou d'Ève plusieurs personnages détenteurs de l'autorité, où par conséquent les fondements mêmes de notre société se trouvaient sauvagement sapés, bref, que cet ouvrage pernicieux était recommandé par la gauche au pouvoir pour être lu dans les écoles par nos chères têtes blondes innocentes.

C'est faux, naturellement, et il faudrait être d'une pudibonderie andouillesque pour s'offusquer des gentils crobards de l'ouvrage. À vous l'andouille du mois, monsieur le maire de Meaux !

Certains, cependant, vont protester. M. Copé, diront-ils, n'est pas seul ; il faudrait andouiller avec lui un bon tiers de la population française, qu'on voit ces derniers temps prise d'une sorte de démence collective : à les entendre, nos écoles publiques sont devenues des lieux de perdition, où l'on enseigne aux bambins les rudiments de la branlette ou du frotte-foufoune ; ces gens-là tâcheront bientôt de nous faire croire que les cours d'éducation physique sont devenus des partouses organisées, si bien qu'il vaut mieux, à tout prendre, envoyer nos enfants se faire caresser par un prêtre dans une école catho irlandaise plutôt que les livrer chez nous à un prof de gym sans Dieu. Je répondrai qu'on a rarement vu pareille bande d'andouilles, certes, mais que couronner tous les obsédés sexuels de ce genre (hum... de cette sorte) exigerait de mettre à mort toute la population porcine de la planète. Copé sera andouillé pour les autres, en tant que porte-parole, écume de la vague, tête du furoncle.

D'autres vont protester : il y a toujours du benêt dans l'andouille, or M. Copé est tout sauf un naïf. Il sait parfaitement ce qu'il fait. Les bouquins qui circulent dans nos écoles, il s'en contrefout éperdument. Il exagère en toute conscience, il ment délibérément, spéculant sur la paranoïa sexuelle de ses électeurs mal-baisés. Certains vont même jusqu'à soutenir que notre défenseur de la vertu, pour arrondir ses fins de mois, s'est fait graisser la patte par l'astucieux éditeur de Tous à poil — et en effet, cette publicité inespérée a transformé cet ouvrage à la carrière jusque là discrète en best-seller.

Sensible à ces arguments-là, je suis à deux doigts de changer mon andouille d'épaule et de chercher un niais authentique, et non un simulateur. Il est vrai qu'à la télévision, ce soir-là, la sincérité du politicien ne crevait pas l'écran ; on eût plutôt dit un acteur débitant son rôle, ou un élève récitant sa leçon, qu'un apôtre embrasé jusqu'à l'idiotie par sa foi. Et pourtant non. Je persiste. Admettre la duplicité de M. Copé me ferait trop mal. J'aimerais conserver un petit reste d'estime pour notre classe politique, dont il est l'un des plus flamboyants fleurons. J'ai besoin de croire que derrière son numéro désastreux il y avait ne serait-ce qu'un peu de conviction personnelle, ou du moins qu'il a été authentiquement nigaud, qu'il n'a pas prévu les quolibets des gens sensés, la gêne consternée d'une bonne partie de ses partisans. En d'autres termes, que le vieux renard s'est planté comme un bleu. Lui décerner l'andouille est donc un acte de charité chrétienne, une miraculeuse bouffée de bonté évangélique. Sinon, il faudrait voir en M. Copé ce qu'il a l'air d'être : un politicard de la pire espèce, faisant flèche du plus mauvais bois, et pour tout dire un sinistre connard.




Petite, son andouille...
Puéril.

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