Marìa PATAKIA



Parcours

À Tennesse Williams


Tu es monté — en sifflant — dans le Tramway de l'écriture.

Le Désir, guide plein d'expérience. Le parcours, sans fin.

Viens, assieds-toi près de moi.

J'ai une longue pratique des nuits sans dormir. Je jouerai

le rôle de Blanche pour contempler

avec toi le bois inaccessible

par la fenêtre des sens.

Et si le sommeil te vient

par la nuit noire de mes yeux

penche-toi un peu sur moi

et ferme les tiens

— je te réveillerai à temps.


Oui mais


en descendant de mon regard


ATTENTION À LA MARCHE !






Blancanieves

(encore un conte métaphysique)

À Pablo Berger


Une pomme dure la vérité

— dans toutes les nuances du rouge — est tombée comme une bombe

dans le film en noir et blanc de ta vie. Non, Blanche-Neige, non

ne la mords pas le poison coulerait sur ton palais innocent.

Non ! Mémoire-Mort !

Même si entrée dans l'arène

tu as cru avoir vaincu

Non ! N'étends pas la main

vers la pomme — ce n'est pas un trophée. Sa connaissance tue

«par delà le bien et le mal».

Et tu n'es pas ranimée par

le baiser de chacun des nains-princes

il ne fera jaillir

que la larme d'acceptation

— ou peut-être de désespoir ?






Roulette russe


Le Temps, le doigt sur la gâchette,

joue, face à l'absence,

à la roulette russe avec les mots

— et les silences en alternance.

Qu'est-ce qui nous attend ?

Des paroles creuses, à blanc ?

Un vide muet ?

Ou bien

Des mots qui tuent ?

Un silence lourd comme du plomb ?


Temps, presse la gâchette !


Jusqu'à ce que tombe — sanglante —

la vérité

au fond des impressions, exhalant

le dernier soupir — maladif —

de la liberté.






(Sur)face book


à l'utilisateur inconnu et con(ti)nu


Tu changes l'image du profil

sur le livre des masques

— pour mieux cacher le visage.

Propulsions sur le net

selfie satisfaction

Bribes de soi comme d'un autre.

Tu offres des dizaines de likes

— sacrifiant l'essentiel —

au dieu de l'éphémère.

Tu postes ta solitude

livrée dans son brillant costume

à la curiosité vorace des «amis».

Tu ne risques rien que l'effacement

— marque de «vaillance»

dans le but d'impressionner.

Tu surfes à n'en plus finir

sur les canaux troublés de la communication

dans l'espoir d'aboutir à un port tranquille.






Émergence


Libérant

— enfin ! —

le souffle retenu

les mots ont émergé

du silence.

Ils ont emmêlé

— dans leurs cheveux défaits —

des promesses difficiles.

Entre leurs dents luit

la perle noire

de l'espérance

et dans leur main

ils tiennent serré

le trident

du plus fort désir.






L'habitude


L'habitude fait fondre le temps...

L'usure en suinte et tache

nos bons sentiments

ceux que l'on porte

aux anniversaires légendaires

de la vie.


L'habitude altère le chagrin.

Elle ferme l'enclos du rêve,

modifie les messages

qu'envoient les émetteurs

de l'attente.


Courage, Scarlet !

Demain la même journée se fane.






Dessins animés


En y mettant des gants — de caoutchouc —

le silence a étranglé l'échange.

L'épais tapis de la solitude

a étouffé

le bruit des pas

vers la sortie de secours.

Dessins animés — par le désir —

nous sommes restés en silence

dans la BD de la vie

attendant désespérément

que s'esquisse un refuge

face à la gomme du temps.






Par couples


L'obscurité n'est pas la lumière

mais elle lui appartient

de même la solitude n'est pas l'amour

mais elle le contemple

les yeux grands ouverts


Ouvrant grand les yeux

dans l'obscurité

l'amour est à l'affût

de notre solitude.






La question principale c'est...


Tu redessines les lignes

de la fissure

ou tu les suis

on verra jusqu'où ?

Le stratagème principal c'est :

gérer l'absence

par ta présence

ou le contraire ?

La ruse principale c'est :

regarder ton miroir

et imiter ton image

ou mettre ton masque au risque

d'être découvert ?






Nécrologie


La nécrologie du rêve a commencé

par un larsen.

Le sommeil effrayé a laissé couler

un peu de son noir cauchemar

dans la salle des miroirs.

Légère agitation dans le public.

On a vu changer de place

des sensations et des sentiments.

Mais tout est bientôt rentré dans l'ordre

l'ouvreuse raisonnable a pulvérisé

un peu d'essence de sang-froid

et la cérémonie a commencé

à l'heure prévue.

En grande pompe

avec le subconscient humide

et le drapeau des instincts en berne

on a enterré les ultimes illusions.






Amor / À mort !


De la «petite

mort» à l'autre la grande

quelle résistance ?




*


Les Grecs ont la poésie dans le sang, le présent site en est une preuve parmi tant d'autres. On peut fréquenter un Grec pendant des années sans savoir qu'il est poète lui aussi — même s'il n'écrit que pour lui. Marìa Patakia, par exemple. Elle vit et travaille à Bruxelles, où elle s'active beaucoup pour la communauté grecque ; je l'ai connue dans un autre contexte avant de découvrir son premier recueil, Arpenteurs du temps. Les poèmes qu'il contient, qu'elle aurait dû publier plus tôt, sont d'une grande richesse, d'une grande finesse, témoins les trois premiers que voilà, suivis de huit autres issus du second, Pesée des âmes. Certains d'entre eux ont été traduits en anglais, et ce n'est qu'un début.


Marìa Patakia
Marìa Patakia

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