Yòrgos CHRISTODOULÌDIS




Le fracas de leurs mots

À Orèstis


À l'école je me souviens les premiers temps

je pleurais en douce

lorsque la main de ma mère me lâchant

une main de fer

me caressait le dos.

Je ne crois pas

que j'avais peur des maîtres

des examinateurs

des camarades inconnus

des officiers à l'armée plus tard

des professeurs à l'université.


C'est leur savoir cercle glaçant dont j'avais peur.


Leurs mots

durs, intolérants, sans amour

comme des noix vides quand on les casse

tandis que les mots de ma mère

étaient pétris de tendresse.

Et maintenant

que je soupçonne la même peur chez mon fils

je lui prépare des mots le matin

des mots aimants

qu'il les prenne avec lui

qu'ils veillent sur lui

quand le fracas des mots étrangers

l'encercle.






Fracture

À Àris


L'enfant s'appuie sur mon épaule

mon épaule est dure

des os enveloppés de muscles

et de tendons

l'enfant

veut l'épaule de sa mère

petit oreiller à fleurs

trois couches de miel

source d'où coulent en foule

des pétales de rose

et une douce chaleur.

Mon épaule recule

se brise part en morceaux

sous le poids du désir

de l'enfant.






Petits boulots

À Theòdoros


Mon fils

travaille chez un ferrailleur

il rentre brisé

il travaille comme garçon de café

pour les pourboires

les regards le détruisent

mon fils rend des services

le soleil meurt en lui.

Mon fils récolte les olives

ses mains noires d'amertume.

Mon fils est bon

et beau

tout le monde l'aime.

On l'appelle parfois

pour d'autres travaux

et parfois

on l'appelle du ciel

pour faire l'ange

et monter les blessés.






Vélos cassés


Leur père soignait les vélos cassés du quartier.

Des gens de passage aussi en apportaient parfois.

Ses deux enfants couraient partout pieds nus en guenilles

— dans leurs yeux brillait l'aventure

et sa fin.

Ils couraient toute la journée

lui débordé de travail

ne les quittait pas des yeux

mais dans un instant tranchant

où l'imprévu fauchait le crépuscule

au point aveugle

lorsque la nuque ne peut tourner

ils lui ont échappé

ont chevauché deux selles

roues trouées

chaines déglinguées

freins usés

et sont montés au point le plus haut des rêves.

Dans l'immense descente des couleurs

là où d'habitude

tous les enfants aux pieds nus échouent

ils n'ont pas réussi.

Leur père

— privé de soleil —

les a cherchés

en vain.

Les a cherchés sans bruit.

Lui seul les a cherchés.


C'est ce qui arrive et d'autres choses encore

dans des lieux sans lumière.






Exercices de gymnastique


Qui peut prévoir l'avenir ?

Le samedi à présent au gymnase

sur les gradins je regarde les enfants.

Des parents les accompagnent, consciencieux, prudents,

certains se connaissent depuis longtemps, discutent

d'autres tapotent leurs portables et c'est tout.

Parents corrects, ils semblent si parfaits.

Serais-je le seul en faute là-bas ?

Voilà ce que je pense en buvant mon café.

Les enfants un instant planent aux barres parallèles

puis retombent en douceur au tapis,

replient leurs ailes.

En d'autres lieux les enfants tombent et tardent à se relever

sont noyés, écrasés ou lentement se désagrègent.

Mais ici tout est protégé.

Seul ce braillard de professeur

dédaigne un peu cette bienséance.

S'il n'y avait pas ces regards

il giflerait certains enfants peut-être

qui n'écoutent pas ses instructions

pas assez concentrés

trop enfants

alors que lui sans doute voudrait les voir grandir plus vite.

Je voudrais descendre et lui demander qu'il m'explique

ou seulement lui dire ma compassion

le voyant si peu aimé

mais moi aussi j'ai peur des regards

qui observent tout en silence.

Ces regards-là l'ont effacé un samedi avant

qu'il ait pu voir que les enfants

commençaient à ne plus tomber des barres

sans grandir.






Un Andrèas


Nous nous croisons à l'occasion une ou deux fois par an

hier il m'a vu au supermarché

choisir des tomates.

Il m'a redemandé comment allait ma grande fille

— C'est un fils, il fait ses études, Andrèas.

— Ah bon.

Silence.

— Il va bien ?

— Ça va.

À chaque fois la même discussion

au-dessus de denrées pourries

à la porte du coiffeur de noms

à l'atelier de changement de jambes

dans les queues de chômeurs desséchés

sur les trottoirs des racornis

dans les tranchées de la ville

— Penche-toi Andrèas, non, pas de courbette

penche-toi seulement.

C'est étrange comme on peut

se rappeler toujours la même chose de travers.

J'ai remarqué aussi le tremblement de ses mains

qu'il cachait adroitement, serrant son chariot.

Je fais tout pour l'éviter

Mais son obstination à faire partager sa gêne

est invincible.

Un jour il a perdu sa tête

on a couru la rattraper

dans la descente.


Lorsque j'ai eu payé l'éditeur suivant

et publié mon sixième livre

je l'ai envoyé chez lui sans connaître l'adresse

sûr qu'il le recevrait un jour.

Des années plus tard nous nous sommes retrouvés

dans les toilettes

publiques et payantes.

«Comment va ta fille ?

Super ton poème sur ce type.

Incroyable, ce type-là,

c'est qui ?»






Le shilling


J'avais dans les sept ans

et la petite vieille ratatinée ouvrait grand la main.

Je lui ai donné mon argent de poche — un shilling

puis j'ai pris la fuite effrayé.

La vieille est morte, j'ai grandi

le temps sous la terre

a nettoyé ses os

si elle n'était pas là-dessous

vous verriez qu'ils ont la couleur

de la lune en ce mois d'août

mais ce que je veux dire

c'est que ce shilling-là

depuis lors

m'est rendu chaque jour et resplendit

plus que toutes les autres pièces

de mon voyage.






Sacrés salopards*

À la mémoire d'Agàthi Christodoulìdi


Ils ont frappé chez nous amenés par un enfer

et par le feu. Pas méchants, semblait-il, mais déboussolés

par l'ordre terrible «trouvez-les tuez-les».

Lorsque la kalachnikov en avant

ils ont appelé les noms des condamnés

ma grand-mère Agàthi a bondi

brandissant ses battoirs énormes comme des épées.

Allez au diable, comme si j'allais vous dire

où sont mon mari et mon fils !

Sidérés, qu'ils étaient. Mis en échec ils ont filé.

Devant la maison d'en face des casques bleus en short

buvaient des bières et riaient.

Eux, du coup, on eût dit de sacrés salopards.


* Scène du 17 juillet 1974






Le soir un chat me tient compagnie


À l'heure où je fume la dernière cigarette

ayant la flemme de jeter le paquet vide

il commence à gratter la porte vitrée

me transperçant du regard.

Il veut sa saucisse

après des heures de patience il sait qu'il y a droit

et moi je sais qu'il le mérite.

Tous les soirs la même scène.

Moi, le chat et ce personne qui alors nous voit,

nous savons tous que je la lui donnerai.

Il sait aussi que je n'ai jamais aimé les chats.

Pourtant c'est là qu'il vient, restant jusqu'à minuit

accompagnant ma solitude

sans que je le lui demande sans que j'en aie envie

pour une rétribution infime

une longue et fine saucisse de Francfort.

D'autres demanderaient davantage.

Il vient à moi sans miauler

sans grandes exigences

me préférant à tous ces amis des bêtes

leurs caresses et leurs pâtées pour chats.






Tableau en mer Égée


Assis sur le pont je me dis

que les patries n'existent pas.

Le bleu foncé m'exhorte : Balaie tes pensées

regarde seulement

mais le miel du crépuscule

dompte les couleurs du tableau.

Le pinceau danse comme un fou

dans les mains du dieu éternel

qui peint sans répit

tout ce que le peintre représentera plus tard.

Poséidon portant ses noyés

me dit que je pourrais marcher

sur l'écume des vagues

si je ne tourne pas les yeux vers le fond.

Oui mais

le bateau qui s'en va

le bateau qui s'éloigne

porte ma mémoire.






Conte japonais


Il existe un moyen sûr

pour que disparaisse une famille

une génération entière

un moyen très ancien

efficace absolument

on ne l'a pas consigné dans les archives officielles

les rumeurs avec le temps s'épuisent

des serviteurs soudoyés taisent les événements

tandis qu'à chaque époque

un poète invente une vérité

qui a l'air d'un mensonge

le moyen c'est une vraie pauvreté

des jours tuberculeux, des moments d'impasse

par vagues successives

sans témoins

car tous les participants sont morts

dans différents siècles toujours

dans d'autres lieux

des maisons étrangères

et l'enfant tombe gravement malade

le médecin ne vient plus car on ne le paie plus

pas de médicaments nulle part

l'enfant glisse et s'amenuise

après une semaine de fièvre

il s'unit aux ombres stoïques

le père demande la permission et se suicide

la mère boit du poison

et les flocons de neige

qui lentement tombent

nous rappellent qu'apparaît parfois dans le monde

une sorte d'innocence indifférente






Le vieux roi


Dans la maison devant l'école

un vieux est assis.

Il sort à midi quand il fait soleil

avec ses béquilles

et s'affaisse dans son vieux fauteuil

comme un roi fatigué

s'imprègne de soleil

des bruits d'enfants qui jouent

bavarde avec les passants

fait mine de sourire mais semble en colère

c'est le genre d'homme qui ne tolère pas une mouche sur son épée.

Je l'observe car dans le quartier

il n'est rien de plus intéressant.

Lors des journées giflées de froid il se retire

se terre chez lui

dans la cuisine peut-être, avec un poêle à pétrole

sous le plancher

dans la secrète cachette de sa jeunesse

sa femme ferme complètement les volets

et les portes à double tour.

Sans doute croit-il ainsi compliquer la tâche de la mort

et le beau temps revenu

à nouveau régner sur sa cour

dans son vieux fauteuil effiloché. Mais la mort connaît

tous les tours et moi je n'ai pas vu depuis si longtemps

le vieux régner dans sa cour.






Centenaires


Là-bas en Inde

il y a des hommes de 180 ans.

Ils boivent de l'eau, mangent du soleil.

Un type sérieux me l'a dit

j'ai cherché dans les nouvelles bizarres

et vous devez me croire.

Ils ont dans les 180 ans

ermites dans leurs cachettes secrètes

au sommet des montagnes

dans les branches des platanes

où ils lisent l'univers.

Leurs vies sont aussi longues

que l'addition des âges

des enfants noyés récemment

ou morts en excursion.

Et encore cela ne suffit pas.

Il y a quelques années en trop.


Vies de longue et de courte durée.


Ils ont beaucoup vécu ces vieux

mais sont sans expression

— comme si la joie n'était pas la sagesse ou comme si

la tristesse était sage quand on n'est pas triste pour quelqu'un —

ils ne jouissent de rien autour d'eux

le monde pour eux est un temple austère

où ils entrent en fermant derrière eux.

Ces enfants, que ne donneraient-ils pas

pour quelques années encore

— les années en trop dans l'équation.

Et moi j'échangerais toute ma poésie

contre pareil miracle.

Mais ces vieux-là je pense ne s'en soucient guère

dans leurs grottes.






Le tiroir


Ses ossements conservés dans un tiroir

du laboratoire d'anthropologie

attendent l'identification.

Un homme qui voulait faire beaucoup de choses

mais pour ce malheureux tout à mal tourné.

Disparu quarante ans

mort depuis cinq ans sans doute.

Conservé quatre ans.

Soigneusement conservé dans un tiroir semblable

à celui où jadis enfant

il avait caché une sucette

pour la lécher plus tard.






Sotìris l'a échappé belle


Quand Sotìris est tombé de l'arbre

nous nous sommes dit qu'il s'était fait très mal.

Nous ne savions pas, étant nés de la veille, ce que mort veut dire.

Nous soupçonnions que c'était grave

il suffisait de le voir, le regard vitreux,

immobile à l'endroit de la chute.

Ensuite la mémoire n'aide pas elle jette du noir comme toujours,

comme pour dire «c'est du lointain passé, concentre-toi sur le présent».

On a déménagé, je n'ai pas revu Sotìris

mais il a dû réchapper de cette chute

et survivre

car comme je l'ai appris plus tard

pendant la guerre un obus l'a éparpillé.






Noël 2015


Les rues de la ville se sont vidées

leurs directions se confondent

les rues mènent au cimetière

mais les morts n'y sont pas

les morts font la fête au centre ville

les vivants barricadés chez eux

prendront bientôt la place des morts

le vent soufflera une fois vers l'aboutissement des routes

et les morts en ville seront les rois

nul désormais ne connaît mieux l'avenir que les morts.






Nos jours


Je t'ai offert des jours incertains

des jours non prononcés

Tu m'as offert des poèmes affligés

des vers sans souplesse

des vers qui voulaient raconter

une autre histoire

et c'était la pluie de tes jours

que tes jours contenaient

ce n'étaient pas des jours de pluie

c'était la pluie dans les jours

et ce n'étaient pas des poèmes dans la tristesse

mais la tristesse hébergeant des poèmes.

Mais ne regrettons rien, nous avons eu ce que nous voulions.


Nul autre ne pouvait

nous le donner.






L'électrification de l'oubli


Arrivant dans la ville

elle a provoqué des secousses

et des coupures dans l'électrification

de l'oubli

l'oubli de l'amour

et des arythmies dans l'accomplissement

d'habitudes usagées

tandis que les éclats

qu'il projetait dans des horizons là devant

dans le reflet de siècles futurs

assiégeaient imprévus

sa forteresse virtuelle.

Ces jours-là donc

qu'il savait comptés

telle une assiettée de roses

converties en sentiments

il évitait d'approcher

les hautes fenêtres des étages

les puits à lumière où souvent

sa curiosité d'enfant

s'était tuée

les terrasses du gratte-ciel impossible

dans le silence aérien de ceux

qui touchent aux cimes inaccessibles

tous ces enfers d'architecture des villes

qu'ont inventé

des mal-aimants ou bien des mal-aimés

et toi sans t'en rendre compte

tu t'es déjà incorporé

à la puissance de leur profondeur

lorsque dans leur indifférence de pierre

souvent ils encouragent

une succession de tes chutes

quasi réelles.






Scintillographie


Hôpital de Nicosie

service de médecine nucléaire

moi couché sur le dos,

le scintillographe à portée de souffle

de mon visage.

M'ont devancé : une fille sans cheveux

qui a résisté aux chimiothérapies,

une femme trouée ouverte de partout

un garçon seul au bout de la queue

sans marques visibles de maladie

mis à part l'abandon.

Là, face à l'œil électronique

et au médecin criant «Ne bougez plus, ne bougez plus»

j'ai pensé à la première fois

où nous avons fait l'amour

comme un homme qui commence

à rappeler les souvenirs qui conviennent.






Les femmes s'en vont un jour sans retour


Elle est passée en trombe dans les rues de son cœur

coup soudain

le temps d'un éclair

comme ces trente secondes d'amour fou

— une fois dans sa vie.


Un matin sans nom, sans attente moite de l'imprévu

elle a disparu.

Une coulée de lave

a poussé la porte derrière le brouillard.


On lui avait dit, il s'en est souvenu

«les femmes peuvent s'en aller mais d'habitude elles rentrent le soir».

Il ne l'a pas revue.

Qu'était-ce donc ?

Soupçon ou évadé d'un désir mûr ?

Tout son être — une statue de sel

quand il a compris :


Il n'y a pas de femmes sans chaînes

pas de femmes capables de ne pas les briser

pas de femmes non plus

qui le comprennent avant de les briser.






Récolte

À M.P.


Nous avons écrit cinq poèmes au plus

toi et moi, nous le savons, Mihàlis

Tout le reste

bavardages

règne de la vacuité.

Nous avons écrit cinq poèmes au plus

et entre nous telle est la vérité.

Tout le reste

pour donner du travail aux experts

aux insectes, au jaunissement, à l'oubli

tandis que nous, muets, finis,

les dents rongées par la nicotine,

nous dévore la question sans réponse :

Pouvions-nous donner un peu plus ?

Ne pas laisser tomber si vite ?

Était-ce possible de nous battre encore un peu ?

De nous battre un peu mieux ?






Pas tué pour de bon


Tous mes amis sont venus

mais ils n'avaient pas

l'air content.

Ils évitaient les commentaires favorables

les jugements sur ce point,

polis malgré tout, condescendants.

Cela ne fait rien mes amis

j'étais furieux

mais dans mes poèmes

il n'y avait pas assez de fureur

j'étais triste

mais mes poèmes

n'accueillaient pas assez la tristesse

j'étais un blessé de nuit

saignant

duvets et miettes

si bien

que j'ai atteint le matin sans encombre

et réussi à me lever.

Seuls ceux qui se font tuer pour de bon

deviennent de grands poètes.






Le livre brun de José Saramago


Je lis un livre brun.

L'auteur est mort

le traducteur est mort

le héros s'est suicidé.

Moi je vis encore.

Assis dans le creux d'une lune inconnue

je bois une bière blonde.

Qui a dit que la mort

était invincible ?






Sources d'inspiration


Quelque chose me chiffonne

et avant de l'avoir dit je ne serai pas tranquille.

Quelqu'un m'observe pendant que j'écris.

Un être grossier

je l'entends se couper les ongles

se gratter bâiller

puis se lever pour casser des œufs

et faire une omelette

ensuite allumer la télé

avaler l'horreur quotidienne

puis se passionner pour un derby

se plantant son énorme cigare

pour envoyer des ronds de fumée

vers son plafond gris

qui sans arrêt s'effondre.

Ça ne m'intéresse pas du tout la poésie

me dit-il, cassant tout protocole

tes papiers en fait je m'en torche

et il s'esclaffe.

Il pense me fâcher ainsi

ou m'amener vers une activité

plus rentable.

Je réponds, buvons un verre de vin

c'est moi qui paie

tu m'as donné encore une fois

le meilleur poème.


*


Yòrgos Christodoulìdis est né en 1968 à Moscou, et vit actuellement à Chypre, le pays de ses ancêtres, où il exerce la profession de journaliste. Poète, il est l'auteur de six recueils, largement reconnu dans son pays, récompensé par plusieurs prix, traduit dans une dizaine de langues.

Sa poésie est très accessible, plutôt simple, en apparence du moins — en fait, elle se révèle très travaillée, souvent complexe, énigmatique parfois. Elle nous parle sans hausser la voix, elle décrit sur un ton familier, avec tendresse, des souvenirs d'enfance, des scènes du quotidien : il y a là des supermarchés, des chats, des vieillards, des séjours à l'hôpital, et la famille surtout, omniprésente, les enfants, les parents, les grands-parents, vivants ou non. Et comme toujours en Grèce ou à Chypre, les morts sont plus vivants qu'ailleurs ; les morts qu'on voit ici «faire la fête au centre ville».

Mais il y a aussi, dans ces poèmes, des «fantômes terribles», et comme toujours chez les chypriotes, le souvenir obsédant de la tragédie de 1974. Le titre du recueil, à cet égard, est éloquent. La zone sinistrée, c'est sans doute Chypre d'abord, en même temps que nos pauvres vies humaines. Le poète se reproche quelque part d'avoir mis «pas assez de fureur» dans ses poèmes. Elle est pourtant bien présente, cette fureur, un peu partout, bien que souvent voilée, dans la belle poésie de Christodoulìdis qui mêle si bien douceur et douleur.

Les poèmes ici présents sont tirés de son recueil le plus récent, Zones sinistrées, intégralement traduit par mes soins et publié en 2016 au Miel des anges. D'autres poèmes de lui se trouvent dans la rubrique POÉSIE AMNESTY.


Yòrgos Christodoulìdis
Yòrgos Christodoulìdis

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